Le monde du théâtre francophone perd l’une de ses plumes les plus audacieuses. José Pliya, dramaturge, metteur en scène, homme de culture et passeur de mémoires, est décédé à l’âge de 59 ans aux États-Unis. Né le 17 avril 1966 à Cotonou, il s’est éteint quelques jours avant de célébrer son anniversaire, laissant derrière lui une œuvre intense et un engagement inlassable en faveur du dialogue entre les cultures.
Jusqu’à son décès, il exerçait les fonctions de chargé de mission aux arts et à la culture auprès du président de la République du Bénin. Il avait auparavant dirigé l’Agence Nationale de Promotion des Patrimoines et de Développement du Tourisme (ANPT), où il avait œuvré à valoriser le riche héritage culturel et historique du pays, notamment à travers des projets structurants comme la mise en lumière des sites royaux d’Abomey ou le développement du tourisme mémoriel autour de la Route de l’esclave.
Une trajectoire entre continents, au service de la création
Formé en lettres modernes à la Sorbonne, José Pliya s’illustre d’abord comme enseignant avant de suivre la voie du théâtre, son premier amour. Dès les années 1990, il s’implique dans les scènes africaines, dirigeant plusieurs Alliances Françaises, de la Guinée équatoriale au Cameroun, où il fonde des troupes, initie des concours et dynamise la création locale.
Mais c’est aux Antilles, à partir de 1998, que s’affirme sa singularité artistique. Nommé directeur de l’Alliance Française de la Dominique, il y insuffle un renouveau du spectacle vivant et fonde, en 2001, le premier festival de théâtre franco-créole de l’île. Son action contribue à inscrire durablement la Dominique dans le paysage théâtral de la Caraïbe.
En 2003, il fonde l’association ETC_Caraïbe, dédiée aux écritures contemporaines de la région, et prend la direction artistique de plusieurs événements emblématiques. Il est également nommé délégué académique aux arts et à la culture en Martinique, avant de diriger, de 2005 à 2015, l’Artchipel, Scène nationale de la Guadeloupe. À la tête de cette institution, il mène deux chantiers majeurs : Nouvelles Écritures Scéniques et Mythologies actuelles de Guadeloupe, qui favorisent l’émergence d’un théâtre d’auteur caribéen contemporain.
Une œuvre saluée et traduite dans le monde entier
Auteur d’une vingtaine de pièces, traduites en plusieurs langues et jouées dans les plus grandes capitales — Paris, Berlin, Montréal, Caracas, Lisbonne — José Pliya est couronné en 2003 par l’Académie française, qui lui décerne le Prix du jeune théâtre André Roussin pour Le Complexe de Thénardier. Il est également l’auteur de Nous étions assis sur le rivage du monde, présenté au Festival de Théâtre des Amériques en 2005, œuvre fondatrice née de sa collaboration avec le metteur en scène Denis Marleau.
En 2022, il est élevé au rang de Chevalier des Arts et des Lettres, reconnaissance ultime d’un parcours profondément ancré dans la création, la transmission et la diplomatie culturelle.
Un esprit libre, au service de l’État comme de la scène
Installé à Marseille depuis 2016, où il dirigeait la compagnie nationale La Caravelle DPI, José Pliya n’avait jamais rompu le lien avec son pays natal. De retour au Bénin, il avait mis son immense expérience au service du renouveau culturel initié par les autorités. À l’ANPT, puis au cabinet présidentiel, il aura porté une vision ambitieuse d’un Bénin qui affirme sa place dans le monde par sa culture et son patrimoine.
Homme d’engagement, de convictions et d’élégance, José Pliya laisse une empreinte singulière dans l’histoire des arts francophones. Il fut à la fois créateur, pédagogue, stratège culturel, et au fond, un poète de la scène, habité par les rives multiples de ses origines.
Son départ laisse un vide immense. Mais son œuvre, sa pensée et ses combats continueront d’inspirer les générations à venir.